Ce document du XVle siècle qui a particulièrement retenu l'attention
des savants les plus éminents, a trait, principalement, aux mythes
cosmologiques des anciens Mexicains, à leur migration légendaire
et, historiquement, à leur passé depuis la fondation de Mexico-Tenochtitlan
jusqu'à la conquête espagnole, celle-ci très sommairement
esquissée jusqu'à la 2e Audience (ca.1530).
La partie la plus marquante appartient au domaine religieux et met en relief
une cosmogonie propre à cette relation. Cette cosmogonie «insolite»
et tout un déroulement d'exploits mythiques justifient la curiosité
que suscita ce document, pièce d'intérêt majeur pour
l'histoire du Mexique ancien.
«Il est clair», écrit Jacques Soustelle dans son ouvrage
"La pensée cosmologique des anciens Mexicains", «que
toute cette tradition constitue un essai de rationalisation assez tardif;
ses auteurs anonymes ont cherché à ordonner des récits
mythiques contradictoires et à hiérarchiser les divinités.»
(Soustelle, J., 1940: 13).
La Historia de los Mexicanos por sus Pinturas nous transmet donc un aperçu
de la tradition tardive de la pensée religieuse dans le Mexique ancien.
Nous y trouvons un panthéon considérablement modifié:
des divinités sont assimilées à d'autres divinités;
certaines remplissent des fonctions différentes de celles qui, de
longue date leur étaient familières; ou encore, déplacées
dans le temps et l'espace, les divinités gagnent en importance ou
perdent un peu de leur lustre.
Il a été dit que cette relation avait pour origine un manuscrit
pictographique aujourd'hui perdu. Considérant le document dans sa
totalité, nous estimons que plusieurs manuscrits l'ont inspiré,
que la tradition orale y joue un rôle, qu'en outre les informateurs
y ajoutèrent quelques commentaires de leur cru que l'on remarque
fort bien de-ci de-là.
Incomplète et certainement inachevée, singulièrement
attachante en dépit des lacunes, des répétitions et
d'un certain désordre, cette version espagnole tirée du nahuatl
est assurément la relation très authentique que firent, d'après
leurs documents et leur mémoire les informateurs indiens, et à
force d'en reprendre la lecture on croirait entendre - et non lire - l'histoire
qui nous est contée.
Cependant, il est un fait dont nous devons tenir compte. Cette relation
est destinée aux Espagnols, elle ne fut relatée que pour eux
seuls. Nous ne mettons pas systématiquement en doute le témoignage
des informateurs, mais il nous paraît probable qu'ils n'ont dit que
ce qu'ils ont bien voulu dire et si, par oubli ou pour ne pas surcharger
le récit, bien des événements ont été
omis, d'autres à dessein furent dissimulés. Ce dernier fait
se manifeste clairement dans la partie concernant la migration: une certaine
déformation de la vérité donnant des Aztèques,
leurs ancêtres, l'idée la plus avantageuse.
Sans nom d'auteur, le Manuscrit provient d'un recueil de treize manuscrits
connu sous le nom de Libro de Oro y Tesoro Indico, où se trouvaient
également les Memoriales de Toribio de Motolinia (première
moitié du XVle siècle. Ms. Univ. of Texas, Library-Castaneda
& Dabbs. Guide, 1939, 995). La Historia de los Mexicanos fut attribuée
à ce dernier, à Sahagun également et finalement Andres
de Olmos en serait l'auteur.
Cette oeuvre fut désignée sous divers noms qu'il est bon de
connaître: Manuscrito de Fray Bernardino, Codice Zumarraga, Codice
Fuenleal, Codice Ramirez, nom qu'un manuscrit portait déjà.
Le titre de Historia de los Mexicanos por sus pinturas qu'un de ses possesseurs
inscrivit sur la première page lui est finalement resté.
Joaquin Garcia Icazbalceta fut le premier à publier le manuscrit
(Anales del Museo Nacional de Mexico, vol. 2,1882, p. 85-100). D'autres
éditions suivirent: Nueva Coleccion de documentos para la Historia
de Mexico, 1891, vol. 3, pp. 228-263. Dans cette même collection,
Salvador Chavez Hayhoe réédita l'uvre, copie fidèle
de l'édition précédente, 1941, pp. 209-240. |